J’ai découvert la liberté et la joie !

Il y a environ dix ans, il s’est produit un bouleversement dans ma vie. Ce fut un point tournant dans mon histoire personnelle. Une rencontre inattendue et troublante a fait en sorte que ce qui m’avait toujours motivé, qui avait englouti mon temps et mes énergies, n’avait dorénavant plus d’importance à mes yeux.

Jusqu’à l’âge de 27 ans, mon objectif de vie avait été le succès sous toutes ses formes. Jeune adulte, j’occupais déjà un poste prestigieux de responsable des communications médias pour un important parti politique, avec un salaire attrayant, toute une panoplie de bénéfices connexes, et des relations dans des cercles influents. J’avais fait de bonnes études, j’avais une vie sociale active et stimulante, j’avais les moyens de me payer tous les plaisirs… j’avais, j’avais, j’avais… mais je n’avais pas ce qui pouvait me rendre heureux.

Mon optique de vie s’est mise à changer suite à une rencontre qui s’est produite en 1989. Un soir, dans un restaurant chinois du centre ville d’Ottawa, j’ai fait la connaissance d’une jeune femme qui m’a longuement parlé de Dieu… et dans ce qu’elle disait, je me suis senti profondément rejoint. Les pièces détachées de ma vie se sont mises à se rassembler, à faire un tout. Ensuite, d’une rencontre à l’autre avec cette disciple du Christ qui avait voué sa vie à la recherche de la volonté de Dieu, s’est éveillé en moi un goût de mieux connaître le Seigneur et de répondre à quelque chose qui avait toujours sommeillé au plus profond de mon cœur : c’était un appel à m’engager à Sa suite… à Lui consacrer ma vie.

Mon cœur était dorénavant disponible à Dieu. Or, un après-midi, en fouillant dans ma bibliothèque, j’ai trouvé un livre relatant la vie de Saint François d’Assise. Ce volume m’avait été offert plusieurs années auparavant, mais je ne l’avais jamais ouvert. Ce jour-là, je l’ai lu d’une couverture à l’autre, et j’ai été bouleversé. J’ai compris, comme une évidence, que la voie franciscaine était celle que Dieu m’appelait à suivre.

À partir de ce moment-là, j’ai eu le courage de me relever les manches et d’entreprendre de changer ma vie, de façon à ce qu’elle corresponde mieux aux valeurs qui m’animaient profondément. J’ai alors commencé à ressembler davantage à l’être humain que je suis vraiment, et à être heureux. Je me suis senti capable d’entrevoir le bonheur auquel mon Créateur me destinait, et j’ai pris conscience que j’avais jusqu’alors été beaucoup trop occupé pour faire de la place à Dieu dans ma vie. Bien que la pratique religieuse avait toujours revêtu une certaine importance à mes yeux, depuis plusieurs années j’étais allé à la messe distraitement, le dimanche matin, sans m’arrêter au sens des gestes que je posais et des prières que je récitais. J’étais trop pris par tout le reste. Mes énergies et mon temps étaient engloutis par une course effrénée à la performance, au succès et au plaisir. Je n’avais jamais véritablement fait le lien entre mon heure de culte dominical, et tout le reste de ma vie!

Mais maintenant animé d’une énergie nouvelle, et reconnaissant envers Dieu pour la grâce dont Il me faisait cadeau, j’étais déterminé à apporter les correctifs nécessaires pour ancrer ma vie dans la prière et l’écoute de l’Esprit de Dieu. Je ne voulais plus m’appuyer sur des bases aussi peu stables que la gloire et l’argent. Dorénavant, Dieu serait mon guide. Il aurait la première place en tout.

En plus, comme plusieurs jeunes adultes de ma génération, j’avais longtemps cru pouvoir accéder à la liberté en me dégageant de l’emprise de toutes les lois et de toutes les formes d’autorité qui limitaient mon accès au plaisir. Mais à mesure que j’approfondissais ma lecture des Évangiles et des écrits de François et Claire d’Assise, et que je me mettais à l’écoute de Dieu dans le silence et la prière, j’ai progressivement compris que la véritable liberté est plutôt un lent cheminement vers l’apprentissage de mon identité profonde d’enfant de Dieu. Je constate bien, aujourd’hui, que ce voyage au cœur de mon être me libère des prisons de mon égoïsme, ainsi que des valeurs trompeuses qui régissent un monde de succès, de richesse et de jouissance. La liberté chrétienne est bien plus satisfaisante que celle qui revendique un accès illimité à des plaisirs faciles. Surtout, la liberté chrétienne m’apporte la joie, alors que l’autre me laissait constamment sur ma faim.

À 29 ans, j’ai donc laissé derrière moi la course au succès et au plaisir, et je me suis engagé à la suite de Saint François d’Assise. Je remercie Dieu de m’avoir appelé à Le servir. Les frères franciscains avec lesquels je partage la vie quotidienne m’apprennent beaucoup. Nous prions ensemble, nous essayons d’être messagers de paix et de joie dans un monde meurtri, et d’être présents aux pauvres et aux blessés de notre milieu.

Depuis six ans, ma communauté m’a offert la possibilité de faire des études stimulantes dans le domaine de la théologie. J’ai aussi eu l’occasion de perfectionner certains de mes acquis professionnels et de poursuivre des recherches dans le domaine socio-politique. Mon optique de travail est pourtant bien différente de ce qu’elle était il y a dix ans. Plutôt que d’être au service de mon avancement personnel, je désire maintenant mettre mes talents au service de Dieu et contribuer à construire un monde meilleur où régnera le respect de tous et l’harmonie.

J’ai certes eu à traverser des moments difficiles au cours des dix dernières années, mais Dieu m’a toujours donné la joie. Jamais je n’ai regretté d’avoir choisi d’engager ma vie à la suite de Saint François d’Assise avec des frères. À ce propos, j’aime me rappeler les paroles d’un de mes aînés en vie religieuse, qui résument bien, je crois, ce qui caractérise les disciples de François d’Assise :

« Le franciscain est un homme de liberté et de joie. Il est libre parce qu’il est pauvre et donné. Il est joyeux parce qu’il reçoit tout de Dieu et qu’il est habité de l’Esprit Saint. Le cœur du franciscain est comme un océan que Dieu veut remplir de l’eau de Son Esprit. Il n’a qu’à détruire les barrages de l’orgueil, et Dieu vient habiter son cœur et sa maison. Le franciscain est libre pour aimer. Il est petit et il est partout. Il donne tout aux autres sauf son cœur, qui est à Dieu. »

Pierre Charland ofm

D’AUTRES TEMOIGNAGES